- SUÉTONE
- SUÉTONECaius Suetonius Tranquillus est tenu pour l’un des principaux historiens de langue latine, alors qu’il fut en réalité un biographe, et ne toucha à l’histoire que dans la mesure où les personnages dont il trace les portraits et raconte la vie appartiennent à l’histoire générale. Il est d’une époque où l’érudition tend à l’emporter sur la création. Suétone est un érudit, un chasseur d’anecdotes rares. Il dut aux circonstances de sa vie d’avoir pu en recueillir de très précieuses, notamment sur les empereurs du Ier siècle après J.-C., et les renseignements qu’il a ainsi transmis viennent combler en partie certaines lacunes (perte partielle des Annales de Tacite, et totale des autres historiens de cette période). De plus, ses Vies des empereurs satisfont le goût des modernes pour le pittoresque et le réalisme.Un homme de bibliothèqueLe détail de la vie de Suétone est mal connu. Il naquit sans doute à Rome, vers 70 après J.-C., d’une famille de rang équestre. Son père avait exercé des fonctions officielles de cet ordre. Suétone, vers l’âge de trente ans, eut la tentation de suivre son exemple et demanda à devenir tribun militaire, condition indispensable pour poursuivre une carrière administrative normale de chevalier. Mais il renonça à sa charge presque aussitôt et s’adonna à des recherches désintéressées sur la rhétorique et l’histoire littéraire, menant à Rome une vie très retirée. Il était l’ami de Pline le Jeune, et c’est aux lettres de celui-ci que nous devons les quelques détails que nous possédons sur l’existence de Suétone. Celui-ci jouissait d’une modeste aisance, et on le voit, par exemple, disposé à acquérir une petite maison de campagne dans la banlieue romaine, pour y trouver repos et loisir. Il avait renoncé, de très bonne heure, à accepter de plaider des causes, comme il avait eu la tentation de le faire en sa jeunesse. Suétone était un scholasticus , un homme de bibliothèque. Pourtant nous le voyons exercer des charges importantes à la cour d’Adrien (après 117): secrétaire particulier, intendant des bibliothèques, enfin chef de la correspondance impériale.Outre ses recherches biographiques, portant sur les empereurs, les poètes, les rhéteurs, les grammairiens célèbres, Suétone s’intéressait aux sciences elles-mêmes, autrefois pratiquées par les personnages dont il s’occupait. Il s’adonnait à l’étude de la grammaire et, en général, du langage, c’est-à-dire, en pratique, du latin et du grec. De ces études sortirent d’abord (sans doute vers 105?) les livres De viris illustribus , consacrés à des biographies littéraires.Ce groupe de livres (De poetis , De grammaticis , De rhetoribus , De oratoribus , De historicis – plusieurs de ces titres sont incertains, l’œuvre étant, dans son ensemble, perdue, et reconstituée seulement à partir des citations et des utilisations probables) valut à Suétone une certaine notoriété. À la mort de Pline, son ami et son protecteur, il devint le protégé de C. Septicius Clarus, qui fut choisi par Adrien, vers 119, comme préfet du prétoire. C’est Clarus qui fit appeler Suétone à la cour impériale. Adrien, lui-même lettré, aimait, semble-t-il, la compagnie de Suétone, et lui ouvrit les archives impériales, où se trouvaient des documents d’une valeur inestimable datant des premiers règnes. Mais la carrière de Suétone fut interrompue brusquement, en 121. Il fut disgracié «pour s’être montré trop familier» avec l’impératrice. Mais les trois ou quatre ans passés dans l’entourage de l’empereur, l’accès aux secrets d’État de l’ancien temps permirent à l’archiviste secrétaire de rassembler les matériaux des Vitae Caesarum , les Vies des douze Césars , qui comprennent les biographies de Jules César, Auguste, Tibère, Caius (Caligula), Claude, Néron, Galba, Othon, Vitellius, Vespasien, Titus et Domitien, c’est-à-dire tous les empereurs qui avaient précédé l’établissement de la dynastie antonine, à laquelle se rattachait Adrien.On ignore ce que fut la vieillesse de Suétone. On peut penser qu’il l’occupa à poursuivre ses savantes études dans le silence des bibliothèques romaines.«Vies des douze Césars»Les Vies des douze Césars , intégralement conservées, forment pour nous l’essentiel de l’œuvre de Suétone. Elles ne racontent pas l’histoire des règnes, mais s’efforcent de définir un profil. Le plan est à peu près toujours le même: indications rapides sur la famille (parfois les ancêtres directs), et ses illustrations éventuelles; on en tire une explication du caractère de l’empereur. Puis vient le récit des premières années, jusqu’à l’avènement. Ensuite, la conduite du prince, en différents domaines, sans aucun souci apparent de la chronologie. Finalement, un portrait physique et moral, qui conduit au récit de la mort. Ce plan rappelle d’assez près celui des oraisons funèbres traditionnelles à Rome (laudationes ), beaucoup plus que les biographies de la tradition des érudits alexandrins. Notamment, la place que Suétone fait à la famille, aux ancêtres, dans la psychologie de chaque prince, est un trait essentiellement romain.Suétone, pour tracer le portrait de chaque empereur, a eu recours à des documents de toute sorte, sans se préoccuper toujours de les mettre en accord les uns avec les autres. C’est ainsi que l’image finale présente souvent des contradictions criantes, et l’on ne saurait accorder à Suétone une confiance absolue: il est le reflet des opinions émises par les historiens qu’il a consultés, et non le témoin objectif de la vérité. Ces appréciations disparates se trouvent accentuées encore par l’absence totale de chronologie: ce qui est vrai à un moment de la vie d’un empereur peut ne pas l’être à un autre, et l’accumulation d’anecdotes et de détails rassemblés sans tenir compte de leur moment achève de rendre l’utilisation historique de ces biographies très ardue. Il serait encore plus difficile de lui attribuer une position politique et un jugement sur les empereurs qu’il dépeint. Là aussi, il reflète les opinions de ses sources; les anecdotes scandaleuses que l’on trouve chez lui sont enregistrées objectivement, mais c’est l’objectivité d’une compilation, non celle d’un témoignage véridique.Les autres ouvrages de Suétone se laissent seulement entrevoir. On connaît une Vie de Virgile , une Vie d’Horace , peut-être distinctes du recueil des Hommes illustres , une Vie de Lucain , un livre sur Les Courtisanes célèbres , une défense de la République de Cicéron, puis une série d’ouvrages consacrés aux antiquités romaines, aux jeux des enfants, etc. Tout cela révèle la curiosité, universelle et fine, d’un homme d’études.Suétone(en lat. Caius Suetonius Tranquillus) (v. 69 - v. 126) historien latin. Dans ses Vies des douze Césars (de Jules César à Domitien), sans faire d'analyse critique, il accumule les renseignements précis.
Encyclopédie Universelle. 2012.